LE TH�ATRE PRIV�

Histoire du Théâtre Privé

Le Théâtre Privé se définit en fonction de son mode de financement : il repose sur l’engagement de fonds privés, dans un système où les théâtres ne reçoivent pas d’aides directes de l’Etat ou d’autres collectivités publiques, et doivent s’efforcer d’équilibrer leur exploitation grâce aux recettes de leurs spectacles.

Mais on ne saurait s’arrêter à ces seules considérations économiques, car le Théâtre Privé puise ses origines dans une longue histoire.


Le théâtre de la Renaissance en 1900.

Sous l'Ancien Régime, une réglementation très stricte

Sous l’Ancien Régime, le théâtre était soumis à une réglementation très stricte : une activité théâtrale ne pouvait être exercée qu’avec une permission du Roi appelée privilège. Le théâtre est alors considéré comme un élément du prestige et du rayonnement national. Concrètement, le théâtre est un monopole d’état et, dans ce système de privilèges, la Comédie-Française détient l’exclusivité de la parole théâtrale à Paris. Les autres salles parisiennes, une quarantaine, pour la plupart des baraquements de foire érigés le long des anciennes enceintes de Charles V qui deviendront le boulevard du Temple, doivent rivaliser d’inventivité pour contourner la réglementation : on leur interdit les dialogues, ils jouent donc des monologues ; les comédiens sont bâillonnés, alors ils présentent des funambules, des marionnettistes ou des pantomimes.

Le peuple montre un goût immodéré pour ces divertissements et, malgré la main mise du Régime, une multitude de petits théâtres prolifèrent dès 1716.

La Révolution entérine le succès de cette forme alternative de théâtre en proclamant « la liberté du Théâtre » (janvier 1791) qui met fin au régime des privilèges. Cette nouvelle législation très libérale, autorise tout citoyen à ouvrir de nouvelles salles et proclame le principe de la liberté de parole. Les théâtres créés à cette époque sont nombreux et florissants, mais se heurtent très vite à un autre pouvoir hégémonique : dès 1806, l’Empire soumet de nouveau la création de théâtre à autorisation préalable. Le décret du 25 avril 1807 réduit à huit le nombre de théâtres parisiens (Comédie-Française, Opéra, Opéra-Comique, le Vaudeville, le Théâtre des Variétés, la Gaîté, l’Ambigu-Comique et l’Odéon).

La Restauration puis la Monarchie de Juillet et le Second Empire assouplissent progressivement cette législation jusqu’à rétablir définitivement la liberté de « l’industrie théâtrale » en 1864. Une forme de censure persistera jusqu’à son abolition en 1906, mais les formes les plus diverses de créations théâtrales peuvent désormais s’épanouir. Le Théâtre Privé brille d’abord dans le registre du pur divertissement : mélodrames, vaudevilles et drames romantiques occupent la plupart des scènes. On reproche déjà à ces théâtres leurs visées prétendument mercantiles.

Le Théâtre Privé : entre divertissement et avant-garde

Pourtant, à la fin du XIX° siècle, c’est dans ces théâtres qu’émerge un mouvement plus radical qui révolutionne l’art dramatique partout en Europe. Sous l’impulsion d’André Antoine, ardent défenseur du « naturalisme », naît la notion de mise en scène. Il crée quelques-uns des plus grands auteurs de l’époque (Ibsen, Strindberg et Tchekhov), travaille dans une grande économie de moyens et implique des peintres devenus scénographes dans le processus de création scénique : son « Théâtre Libre » offre une nouvelle vision du théâtre qui dessine les contours de l’art dramatique moderne.

Héritiers directs ou opposants, les hommes de théâtre des générations suivantes ont prolongé son œuvre visionnaire. Louis Jouvet, Charles Dullin, Jacques Copeau ou Aurélien Lugné-Poe ont instauré la tradition théâtrale dont le Théâtre Privé actuel est l’héritier.

Affiche réalisée par Toulouse-Lautrec pour le théâtre Antoine

Les directeurs et metteurs en scène du Théâtre Privé ont depuis révélé quelques-uns des plus grands dramaturges du XX° siècle : Ionesco, Beckett et Audiberti mais aussi Dürenmatt, Pirandello, Garcia Lorca ou Brecht.

Création au Théâtre Antoine de la pièce de Jean-Paul Sartre, La putain respectueuse avec Héléna Bossis. Au centre, Simone Berriau, la directrice du théâtre.

Certains observateurs n’ont pas hésité d’ailleurs à souligner le lien entre une certaine forme de précarité inhérente au Théâtre Privé et son apport essentiel au meilleur de la création dramatique. Ainsi le critique Jean-Jacques Gautier écrivait-il en 1968 « Dullin, Baty, Jouvet et Pitoëff n’ont jamais été subventionnés. On peut même dire que le meilleur de leur œuvre a été réalisé dans la gène, l’inquiétude du lendemain, l’impécuniosité chronique… »

Quoiqu’il en soit, le Théâtre Privé demeure placé sous le double signe du divertissement et de la création.

S’il assume parfaitement de proposer quelques-uns des plus grands succès populaires, il perpétue aussi l’esprit novateur de ses pionniers en recherchant constamment à promouvoir de nouveaux auteurs et de nouveaux talents.

Sa longue histoire a fait du Théâtre Privé un secteur professionnel structuré, artistiquement et financièrement responsable, dont la liberté de penser, de créer et de s’exprimer constitue depuis toujours le véritable fondement.